« L'on vous dira que cette histoire n'a pas d'importance et ces gens ont raison. Je ne suis personne, je n'ai ni le droit de parler, de penser ou même d'agir comme je le souhaite, mais cette explication je lui dois. Je te la dois. J'ai passé trop de temps à fuir, à oublier et essayer de te protéger. J'espère que tu sauras devenir un homme, un vrai et que je n'aurais pas été un trop grand poids pour toi.

Ma vie ne m'a jamais appartenu, depuis ma naissance tout a toujours été décidée pour moi. C'était pour "le mieux" m'avait-on dit avant que j'entre à son service et, aussi naïve que je fusse à cette époque, je l'ai crue. Me rattachant toujours un peu plus à cette idée : qu'il n'existait rien d'autre et que si je fournissais les efforts suffisant, si j'écoutais tout à la lettre, tout irait "pour le mieux. "

De toute manière, j'eu beau pleurer ou insister rien ne changeait. Je restais prise, je me sentais faiblir, me briser. Tout était si sombre et j'en eu presque oublié mon apparence lorsque j'ai pris le choix de le suivre sans combattre, sans chercher à comprendre, m'accrochant qu'à cet être, cette seule sensation. J'étais alors devenue une décoration, un joyau que l'on montrait avec fierté et que l'on choyait de temps en temps, mais je n'y retirais aucune fierté, aucun plaisir.

Tandis que je me croyais morte, une autre personne, subissant les mêmes conditions que moi, me prouva le contraire. Une nouvelle émotion dit le jour en moi, alors que j'aurais mieux fait l'enterrer avec les autres, je ne sus lui résister. Nous nous vîmes plusieurs fois en secret et lorsque je lui ai avoué être enceinte, il me proposa de nous enfuir. C'est volontiers que j'acceptais de peur de voir mon maitre me faire saigner, à nouveau, de force, mais je n'eus, toutefois, pas le courage de lui avouer que cet enfant que je portais n'était pas le sien.

L'évasion se déroula avec quelques embûches, mais c'est sauf que nous trouvâmes refuge en Dhan Bahn. C'est également en ses lieux que tu trouvas naissance et qu'il comprit. Tu étais si beau avec tes grands yeux sombre, ta peau claire et ce petit duvet blond qui au sommet de ton crâne, mais tu n'étais pas de lui. Depuis ce temps, il commença à devenir de plus en plus distant et violent envers moi.

Il devait néanmoins avoir encore un peu de respect à mon égard, car jamais il ne levait la main sur toi ou encore sur moi en ta présence. Cependant, je sais que tu comprenais ce qu'il me faisait, même si cela se faisait, peut-être, de façon inconsciente, puisque chaque fois que je rentrais tu sortais de ta chambre. Tu venais me voir et me demander de venir te border, puis de rester à tes côtés jusqu'à ce que tu trouves sommeil et trop souvent c'est moi qui me suit endormit la première.

J'ai essayé le plus longtemps possible de te préserver de l'extérieur, te rendre la vie plus facile possible. Je sais que nous avons déménagé de façon abusive par ma faute. Les blondis et leur milice toujours à notre recherche. Au moins, ton duvet se fit de plus en plus sombre chaque année jusqu'à devenir noir comme l'encre à l'instar des miens.

Aujourd'hui je t'écris cette lettre pour que tu saches. J'espère qu'un jour tu sauras me pardonner d'avoir toujours tout abandonné, de ne pas avoir su combattre, mais tout cela n'est pas en mon pouvoir. Je ne suis personne et je ne peux subvenir à mes besoins ni même aux tiens.

Je retourne là où ma place a toujours été, car cette est celle pour laquelle je suis faite.

Au revoir Érick »

« Je suis effectivement devenu un homme aujourd'hui, mais ne t'en dois rien. Si jamais Jonhas ne m'avait touché en ta présence, il sut se rattraper avec joie par la suite me faisant tenir ton rôle. Et si j'avais toujours trouvé qu'il me regardait étrangement, comme si notre situation avait toujours été de ma faute, il me le fit clairement comprendre à ta disparition.

Ainsi ai-je compris à force de coup et de claque que pour survire, pour s'en sortir il faut être plus fort. La vie ne sera jamais clémente; pleurer, gémir ou se morfondre sont des actes inutiles, l'on a jamais rien sans rien. J'ai appris à rire de l'existence ne plus se montrer atteint par celle-ci. Étaler ses faiblesses c'est se laisser mourir et donner la possibilité aux autres de les utiliser contre vous.

C'est d'ailleurs en me libérant de cet homme avec qui tu m'as gentiment laissé que j'ai trouvé cette lettre que tu m'avais écrite. Disons que je fouillais dans ses affaires pour les faire miennes après lui avoir ficher une balle entre les deux yeux alors qu'il détachait sa ceinture pour venir fêter mes quinze ans. J'ai su y trouver un regain de force et de conviction pour ne jamais être comme toi. Tu me dégoûtes, plus que tu ne me fais pitié.

Je me dois pourtant d'avouer que j'ai tenté de te retrouver. Je ne suis pas stupide au point de mettre les pieds directement à Tanagura et risquer que certain reconnaissent mes traits, mais j'ai joué de mes contacts et de ce petit gang que j'ai rejoint durant un moment avant de les aider à se dissocier pour apprendre où tu te trouvais...

J'ai donc le grand plaisir te t'écrire cette lettre que tu ne liras jamais, car tu as su trouver la mort que tu méritais. Merci de cette vie que tu m'as donnée et que je ferais attention à ne pas gaspillé inutilement comme tu as su si bien le faire.

À jamais mère,

Ton fils chéri, Érick. »